Migration

À la recherche de réponses

Il y a un an, Dennis Van Vossel commençait à visiter les centres de détention des étrangers, d’abord pour l’ONG Vluchtelingenwerk Vlaanderen, ensuite en tant que membre du JRS. Il raconte ici ce qu’il y a vu.

JPEG - 76 kioAvant que je n’entame mes visites en centre fermé, je savais peu de choses sur la migration. J’ai grandi à la campagne et mes amis portaient tous des noms ‘belges’. Je n’avais qu’une petite connaissance livresque : des articles de journaux ou de revues ou d’ouvrages de référence plus importants, mais pas de réelle expérience. Mes amis et connaissances, ma famille et mes professeurs, personne dans mon entourage ne pouvait me raconter quoi que ce soit sur une rencontre qu’ils auraient faite avec des migrants. Par contre, nombreux sont ceux qui savent ce qu’est la migration : elle est bonne pour l’économie, disent-ils ; ou ce sont tous des criminels ou des terroristes ; ou ils viennent pour profiter de notre ‘système’ ; ou nous devons accepter leur arrivée chez nous parce qu’ils ont besoin d’aide. Tous ces propos ne m’avançaient guère. Je me sentais ignorant : partout on parlait de la migration et je ne savais pas ce qu’elle signifiait.

Cette ignorance me rongeait. Durant mes études, j’ai bien rencontré ici ou là un migrant de la deuxième, troisième ou quatrième génération, mais en fin de compte ces rencontres ne me faisaient guère avancer. Ils étaient des Belges comme les autres, parfois habillés autrement, mais Belges tout de même. Je ne savais toujours pas non plus sur quoi portaient les débats politiques. La migration : ce sont des gens qui, au début, n’étaient pas chez nous, et qui y sont maintenant : est-ce permis ? Maggie De Block dit ‘oui mais non’, Theo Francken dit ‘non mais oui’ et d’autres encore racontent que nous avons besoin des migrants pour aller à l’encontre du vieillissement de notre population.

Je voulais tout de même une fois les rencontrer, ces migrants. Je suis donc devenu visiteur dans un centre fermé. Car il paraît que nombre de ceux qu’on appelle ‘demandeurs d’asile’, ‘étrangers’ ou même ‘illégaux’ sont enfermés. Je ne le savais pas, mais apparemment nos autorités placent en centres fermés les migrants qui n’ont pas de papiers, afin de les renvoyer dans leur pays d’origine.

Je me rappelle encore toujours le premier homme avec qui j’ai parlé là-bas. Son signalement : masculin, homosexuel, noir, autour de la quarantaine, numéro B18. Suivent ensuite de nombreux autres. Me revient le souvenir de Dorian… Un étudiant comme je l’étais alors. Plus préoccupé par le mal de dos de l’homme à côté de lui que par sa propre situation, pourtant désespérée. Il était toujours aimable mais parlait peu de lui-même. Un jour la direction m’a fait savoir qu’il avait été déplacé ailleurs car il avait fait une tentative de suicide. C’en était trop pour lui.

Je ne regrette aucune des rencontres faites. Ces gens ont vécu tant de choses : des amis qui meurent en mer, des femmes excisées, des bombes qui explosent à leurs oreilles, l’expédition mortelle à travers la désert…Parfois ça me rentre dans la peau, tous ces récits. Maintenant que je suis apparemment devenu un ‘spécialiste’ , il arrive qu’on me demande, : ‘et toi, que ferais-tu ?’, ‘de quelle politique migratoire avons-nous besoin ?’ ‘des frontières ouvertes ?’, ‘des frontières fermées ?’ ‘des barrières ? des allocations ? du travail ? des menottes ?’

Je n’ai pas de réponse toute faite. Pas de solution magique ni de vérité absolue. Mais il est une chose que je peux tout de même dire : rencontrer quelqu’un face à face, le regarder droit dans les yeux et lui demander comment il voit les choses, voilà qui en apprend plus qu’un million de tweets.

Dennis Van Vossel
visiteur accrédité