Cet été, pour la deuxième fois, nous avons eu le plaisir d’organiser, en collaboration avec la KU Leuven, un cours dans le centre de détention administrative de Merksplas. Le concept est assez simple mais unique. Des étudiants en droit et en criminologie ont passé une journée et demie en compagnie des personnes détenues à Merksplas. Les deux groupes se sont rassemblés et ont participé ensemble à différents ateliers interactifs pour comprendre pourquoi et comment le gouvernement belge applique la détention, et quels droits fondamentaux devraient être garantis. Ensemble, ils ont discuté, animés et ouverts, sur les possibilités d’approches alternatives. Quels sont les mesures et dispositifs gouvernementaux qui sont défendables ou non, et pourquoi ?
Tout comme l’année précédente, les rencontres humaines étaient au cœur de cette expérience d’apprentissage réciproque. C’est pourquoi nous avons partagé les repas, pris des pauses ensemble lors de la « promenade » et passé une soirée chaleureuse tous ensemble. La salle austère, avec seulement quelques fauteuils et un baby-foot, s’est remplie de chaleur et de bonne humeur. La guitare et les percussions ont été sorties et nous avons chanté ensemble. C’était aussi la période du football européen, alors nous avons terminé la soirée par un match. Ce soir-là, la détention semblait un instant bien loin, mais elle est rapidement redevenue tangible en réalisant que sortir prendre l’air avant de dormir était impossible et que les portes des chambres étaient verrouillées pour la nuit.
En tant que collaboratrice de JRS Belgium, j’ai la chance de pouvoir être témoin de ces rencontres. Je suis touchée par l’intensité des liens qui peuvent se tisser en si peu de temps. Deux groupes peuvent se fondre rapidement. Il peut naître une énergie puissante en s’ouvrant aux histoires, pensées et inquiétudes de l’autre, une énergie qui suscite de nouvelles réflexions et actions. Ce fut une expérience intense pour le groupe entier. Nous aimerions partager ici quelques réactions des participants, en attendant avec impatience une prochaine rencontre l’année prochaine.
Jean, détenu : ‘Avant ce programme, j’avais un autre point de vue. Et j’étais très perturbé. Mais j’ai beaucoup appris des étudiants. Maintenant, je comprends bien mieux les choses.’
Sarah, étudiante : ‘J’ai ressenti toutes sortes d’émotions durant ces jours. Il est de notre devoir de sortir, de transmettre ce message et de sensibiliser les gens.’
Paul, détenu: ‘Vous avez illuminé notre journée. Sortez et racontez notre histoire. Faites savoir qu’ici, il y a des gens. Je vous remercie énormément d’être venus jusqu’à nous.’
Kris, étudiant : ‘Je m’étais préparé émotionnellement à entendre les histoires, mais les entendre réellement a eu un impact bien plus profond que je n’aurais pu l’imaginer.’
Innocent, détenu : ‘Grâce à vous, je me suis senti libre aujourd’hui.’
Steven, étudiant : ‘Le fait que nous étudions le droit et la criminologie, et que nous n’ayons jamais entendu parler de la détention, est tout de même choquant.’
Clarisse, étudiante : ‘Ces personnes ont tellement à offrir à la société. Toute cette “utilité” est mise de côté, derrière des murs, causant uniquement du traumatisme. Et qui bénéficie de ce système ?’
Steven, étudiant : ‘Ces deux jours ont été intenses, mais m’ont ouvert les yeux. Surtout parce que maintenant, je réalise combien ce sujet est méconnu. Il est essentiel d’informer notre entourage sur la réalité de ces centres. Je ne savais pas que des prisons existaient pour les personnes sans papiers. Je suis certain que personne dans mon entourage n’en a conscience. J’ai ressenti un mélange de toutes les émotions qu’on peut éprouver, mais il est important de les vivre pour comprendre vraiment la réalité.’
Charles, détenu qui nous a contactés deux mois plus tard : ‘Je chérirai toujours ce jour et demi que nous avons passé ensemble. Je me sentais totalement différent lorsque vous nous avez rendu visite. Je me rappellerai toujours que nous avons regardé un match de football ensemble. C’était tellement agréable.’